PHÙ DU – ÉPHÉMÈRE

[2017-2018]

PHÙ DU ou L’ÉPHÉMÈRE

Dans la nouvelle série picturale de Marianne Smolska intitulée « Phù Du » qui signifie « éphémère » en vietnamien, de délicats motifs monochromes – crânes, fleurs fanées, ronces, racines et chrysalides – s’entremêlent à des broderies sur papier laotien et vietnamien fait-main.

Commencée à la mort de David Bowie, cette série au stylo bille révèle une réflexion sur la fragilité de la vie, le temps qui passe, l’inéluctable vieillissement du corps et les blessures du deuil qu’il faut bien panser, soigner et même suturer. Les fils, fragiles lignes de vie, trames, filets ou coutures, parfois même accrochés aux ronces, semblent vouloir capturer le motif avant qu’il ne disparaisse. Et quand ils sont tout simplement tendus ou suspendus, ces fils semblent tisser des liens entre les mondes. Celui où elle vit, le Vietnam et celui d’où elle vient, la France. Mais aussi entre le monde d’ici-bas et celui de l’ailleurs.

Les fines illustrations brodées de Marianne Smolska renouent donc non seulement avec les « Vanités » du XVIIe siècle français et hollandais, des allégories sur la mort et la vacuité des passions humaines sous forme de natures mortes, mais aussi avec des éléments de la culture vietnamienne : usage de papier organique, motifs célestes, ornements végétaux, culte des ancêtres et génies du lieu.

Dans ses broderies à vif, presque des écorchures, Marianne Smolska ne cherche pas à dissimuler la blessure. Elle la recoud, rhabille les morts, les pare de fleurs et de broderies noires, bleues, rouges sang et referme les plaies.

Au cœur de ce travail à fleur de peau et de papier, il y a des boîtes à couture, des fils et des aiguilles. Ceux de sa mère et de sa grand-mère, emportés au moment de la récente disparition de sa mère. Comme si elle voulait ne pas perdre le fil, garder le lien, prolonger l’ouvrage à jamais inachevé de la longue chaîne de femmes qui l’a précédée, empêcher les morts de se fondre dans l’oubli.

Organiques, fragiles, poétiques, mais aussi rageuses, ces broderies sur papier sont des coutures, des sutures, voire même des ratures, dit-elle. Comme si l’artiste voulait reprendre à la mort, ce qu’elle lui a enlevé et sublimer le chagrin. Ce qui est sûr, c’est qu’avec ce travail, Marianne Smolska nous fait toucher la grâce.

Un magnifique travail à découvrir du 23 mai au 23 juin à la galerie Dong Phong d’Hanoï.

Isabelle Capron / Zurich, 24.4.18